Revue Spécialiséé Trimestrielle

EUROPEANA LA DOCUMENTATION ELECTRONIQUE DU PATRIMOINE EUROPÉEN

Issue 50
EUROPEANA LA  DOCUMENTATION ELECTRONIQUE DU PATRIMOINE EUROPÉEN

Taieb ould Laroussi

L’expansion des bibliothèques numériques à travers le monde et cette invasion massive que représenta le projet américain de Bibliothèque Google dont la mise en œuvre s’accompagna de projets et d’accords de coopération avec de nombreuses bibliothèques à travers le monde, parmi lesquelles celle de la ville de Lyon mais aussi bien d’autres bibliothèques européennes, ouvrant à Google l’accès aux trésors que recèlent ces bibliothèques pour les numériser, amenèrent les Ministres européens de la culture à se mobiliser pour protéger leur patrimoine commun. En 2004, ils élaborent, à l’initiative du Président de la République Française, Jacques Chirac, ainsi que des Chefs de gouvernement de l’Espagne et du Portugal et d’autres partenaires d’Europe, tous préoccupés par cette offensive de Google sur leur patrimoine, mais aussi  par la mainmise du géant américain sur la culture numérique,  un plan en vue de la création d’une bibliothèque numérique européenne.

Europeana : tel est le projet unitaire européen auquel vont participer les pays membres de l’Union Européenne. La Commission européenne va même reconnaître que c’est le projet Google du livre qui a poussé les Etats de l’UE à s’interroger sur l’avenir de leur patrimoine. La bibliothèque nationale de France a  joué un rôle important dans la mise en œuvre de ce projet engagé en 2006. Son ancien directeur, M. Jeanneney, déclare : « Il apparaît clairement que le démarrage, le lancement et la poursuite du projet en 2006 a accéléré la mise en ligne sur internet du contenu de milliers de livres mais aussi de milliers de journaux et de revues, dans l’ensemble des pays de notre continent aux fins de les numériser, de les publier et de les distribuer. »

En 2007, la Bibliothèque nationale de France présente à l’occasion du Salon du Livre, un projet de site pour cette Bibliothèque numérique européenne qui fut appelée Europeana. Depuis cette date, 12000 documents libres de droits, ont été réunis sous la forme de photocopies, dont 7000 relèvent du patrimoine de la Bibliothèque nationale de France et figurent déjà sur le site Gallica, et les 3000 autres viennent des deux bibliothèques nationales de la Hongrie et du Portugal.

Les responsables européens ont ainsi unifié leurs efforts pour créer une bibliothèque numérique européenne propre à conserver et à promouvoir la mémoire collective du continent. Il importe ici de souligner la différence de taille qui existe entre leur projet qui est fondamentalement d’«utilité publique et sans but lucratif » et celui de Google. Cette bibliothèque – ainsi que le soulignent ses maîtres d’œuvre – a en effet pour rôle de « promouvoir la science, de diffuser à titre gratuit et sans discrimination la culture et le savoir, contrairement au projet Google Book qui démarra sur la base de la gratuité  avant de se transformer en une gigantesque entreprise commerciale générant des millions de dollars de dividendes au profit de ses promoteurs après que les dirigeants du moteur américain de recherche eurent signé un contrat de 126 millions de dollars avec la Guilde américaine des éditeurs pour que ces derniers mettent en vente leurs publications sur la toile. »

Europeana a réussi depuis le début de l’année 2016 « à donner accès à plus de 840 matières (textes, images, son, films, archives du patrimoine, du folklore…) ». Mais des projets et objectifs de cette importance exigent d’énormes financements, ce qui pose diverses questions : où a-t-on trouvé tout cet argent ? Et quels moyens a-t-on prévus pour assurer la pérennité d’un projet aussi ambitieux dans le présent contexte de développement technologique rapide ?

Le projet s’est entretemps élargi aux sites archéologiques, aux acquisitions des musées, aux archives, aux images et photographies, aux moyens audiovisuels, aux journaux et revues, ainsi qu’aux dossiers documentaires, aux œuvres rares tels que les œuvres des grands compositeurs européens ou ceux des grands écrivains, artistes et peintres du continent. À partir de là, le patrimoine allait se  diversifier, faisant d’Europeania une bibliothèque multimédia et multilingue (23 langues) aussi riche que diversifiée, offrant gratuitement à l’utilisateur un véritable panorama de la mémoire collective et du patrimoine culturel et historique  européen. Cette bibliothèque contient 77 millions de livres qui ne cessent de s’enrichir  par l’afflux accru de nouveaux ouvrages auxquels s’ajoutent 24 millions de documents audiovisuels, 358 millions d’images et photographies, 75 millions d’œuvres d’art et 10 milliards de pages d’archives.

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